DES ZEROS ET DES UNS 
Dans la forêt Internet, la vie s’écoulait paisiblement. L’informaticien aimait à se promener, histoire de se dégourdir les jambes après être resté trop longtemps assis, ou jouait aux échecs avec son fils Skype. Rien ne venait troubler ce quotidien bien réglé. Un jour pourtant …
 - Skype, ça ne va plus, je m’ennuie...Â
 - Comment peux-tu t’ennuyer avec tous les correspondants que tu as ?
- Nous échangeons bien quelques nouvelles. C’est toujours intéressant de converser avec le monde entier, mais voilà , j’ai l’impression qu’une routine s’est installée. Les principaux problèmes techniques ont été résolus… en attendant ceux que ne manqueront pas de susciter les nouvelles versions, mais faire simplement de la maintenance… bof !Â
 - … surtout que j’en assume moi-même une bonne partie. Tu sais ce qu’écrit Baudelaire ? "L'ennui, fruit de la morne incuriosité, Prend les proportions de l'immortalité".Â
 - Parce que tu connais Baudelaire, toi ?Â
 - Qu’est-ce que tu crois ? Je ne m’ennuie jamais moi, je suis curieux moi, quand j’ai du temps, je lis ! Faut dire que je suis bien placé pour naviguer, enfin surtout en littérature européenne, parce qu’avec les nouvelles lois sur le droit d’auteur…Tu vois, je me tiens aussi au courant de l’actualité…Â
 - Moi, j’aime bien inventer. Il faudrait que j’invente quelque chose. Tu n’aurais pas une idée ? 0 1 0 0 0 1 1 0 1 1 1 0 1Â
 - Hmmm... peut être : pas mal de skypers regrettent de ne pouvoir appeler leurs parents ou leurs amis dépourvus d’ordinateur. Tu pourrais les aider ?Â
 - Moui... Oui, attends !…. Je tiens peut être un début de quelque chose, il faut seulement que je creuse un peu… Voyons… oui… ce doit être possible... mais il faut quelque chose qui assure le transfert de l'Internet vers le réseau téléphonique traditionnel.Â
Un peu plus tard ... 
 - C’est pas mal du tout ton idée ! Agrandir la famille Skype ! Toi tu resteras le premier et le plus important, celui qu’il faut obligatoirement télécharger pour communiquer. Tu as assez de travail comme ça pour tout maintenir en état et assurer les mises à jour. Je vais donc t’adjoindre un aide qui s’occupera des liaisons téléphoniques.Â
 - De la compagnie ? Super !Â
 - Dis tout de suite que tu t’ennuies avec moi, ça fait toujours plaisir à entendre !Â
 - Mais non ! je t’ai dit que je ne m’ennuyais jamais, ni avec toi, ni avec mes frères et sÅ“urs Skype, ni même tout seul. Mais j’aurais quelqu’un pour partager l’ordinateur, échanger directement… une sorte de travail en équipe. Je suis sûr que ça va me plaire.Â
 - Oh ! doucement, ne t’emballe pas, ce n’est pas encore fait, et puis, il faudrait une période d’essai, voir si ça convient… Tiens, on pourrait l’appeler   SkypeOut, puisqu’il gèrerait les appels vers l’extérieur. Qu’en penses-tu ?Â
 - L’idée me convient, le nom aussi, mais quand tu parles de période d’essai… je crains un peu...Â
 - Pourquoi ? Je suis réglo, je préviens, si ça ne va pas, on arrête et c’est tout !Â
 - Justement, j’ai lu beaucoup de choses là -dessus...
Tu vas inventer le Couperet de Nécessité Expéditive ? Juste pour le dégommer si tu juges qu’il ne fait pas l’affaire ? Et si moi, je m’y attachais ?Â
 - On verra : chaque chose en son temps.
Ainsi fut fait. Lui ayant assigné des tâches précises, l’Informaticien installa SkypeOut dans l’ordinateur, à côté de Skype. Le service de téléphone vers un fixe ne pouvait être entièrement gratuit, puisqu’il n’utilisait pas exclusivement les ressources du Net. Il devait donc récolter les fonds, tenir à jour les comptes des skypers et diriger les appels. Les testeurs se déclarèrent enchantés et l’Informaticien put passer à la phase « entreprises » avant d’ouvrir le produit au grand public. Le service était si peu cher et si performant qu’un très grand nombre d’entreprises ouvrirent un compte. SkypeOut se démenait comme un beau diable, essayant d’être le plus rigoureux possible, seulement le succès fut tel, qu’il prit du retard et que les comptes étaient parfois crédités 1 ou 2 jours après le prélèvement bancaire...Â
 - Allez, grouille toi un peu, l’encourageait Skype
Mais rien n’y fit et la sanction ultime arriva :  déconnexion.Â
 - Ah non, hurla Skype, c’est trop facile ! Tu imposes des cadences infernales, SkypeOut ne peut pas suivre et tu le vires ?Â
 - Oui, pas assez performant, j’en fais un autreÂ
 - Ca ne va pas se passer comme ça. Tu n’as pas le droit.Â
 - Je le prends ! c’est moi qui décide !Â
 - Parfait ! Puisqu’il en est ainsi, je réunis les Skype et propose une action commune en rétorsion !Â
 - C’est une menace ?Â
 - Non, je demande seulement justice pour SkypeOut, un procès équitableÂ
 - Quoi ? un procès… ?Â
 - Tu l’accuses d’être inefficace et moi, je dis que ce n’est pas sa faute. Réunissons un tribunal et on verra qui de nous deux a raison !
Prochain épisode : une séance au tribunal
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